édito
Ce numéro automnal parle d’arbre, d’homme et de souffrance.
… cf conférence de Robert Dumas, philosophe et auteur du Traité de l’arbre (Actes Sud, 2002) …
L’arbre, dit-il, est un être étonnant et déroutant pour l’esprit. Il est à la croisée du temps et de l’espace. Le temps, le climat s’inscrivent dans ses anneaux, ils le sculptent.
L’arbre est un être tridimensionnel, de par ses racines et conjointement sa cime. Il s’approprie l’énergie solaire, par exemple, pour s’autoconstituer et ainsi obtenir la plus vaste surface tout en régulant son volume. Pour se faire il multiplie les angles en créant des feuilles, tout cela dans un but ultime : résister aux intempéries, aux coups que lui assène inexorablement l’homme pollueur.
L’arbre est un être complexe mélangeant en son corps la mort et la vie. Au coeur de l’arbre, aucune cellule vivante – du bois mort – une matière solide – assise de sa hauteur et de sa force.
Mais plus extraordinaire encore, l’arbre varie génétiquement avec l’âge et combine plusieurs étages génétiques, conservant ainsi, en lui, plusieurs propriétés lui permettant de s’adapter pour mieux résister. Etre paradoxal, symbiose de l’archaïque et de la modernité.
L’arbre est donc un être collectif. il se divise, répartit les tâches, sélectionne, il est un et plusieurs, il collabore à la vie du tout. Contrairement à l’homme et l’animal interdépendants de leur milieu naturel ayant besoin des végétaux pour fabriquer leurs tissus, l’arbre s’auto-régénère pour survivre et cela depuis quelques poussières d’années, traversant l’espace-temps, des millions d’inter laps… sans jamais faiblir…
Qu’en sera-t-il de nous, si nous continuons à détruire notre lieu de vie ?
Les poètes, furent les premiers à s’attacher à l’arbre, au travers de métaphores, d’images, d’analogies entre l’homme et l’être vivant qui s’élève à nos côtés…
Mais peut-on vraiment parler de ressemblances ? Non, il s’agit plutôt d’un idéal à atteindre.
L’arbre nourricier et protecteur, mythe, médiateur entre l’homme et dieu jusqu’à la fin de l’antiquité, matière à inscrire, est notre plus beau compagnon, il assainit notre air.
Il nous rappelle, que nous sommes loin d’être aussi perfectibles que lui, que nous devons vivre en accord avec la nature pour prétendre à la vie. Que seule l’action collective est source d’évolution, d’élévation. Serons-nous capables d’être un jour tel l’arbre, de transformer nos souffrances d’homme en une énergie constructive?
Dès à présent, déambulons et laissons-nous transporter dans l’univers émouvant qu’ont créé pour nous Anne Brérot, peintre lyonnaise et Jackie Plaetevoet, auteur lyonnaise.
abeilles |
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Lever l’encre
et prendre la marge
dériver
sans voile
ni gouvernail
sans nord
ni cap
au gré des murmures
des soupirs
et des rires
des langueurs
et des pesanteurs
coller aux turbulences
à l’amble des houles
ou des lames
qu’importe
quan bien même
il n’y aurait
de libre cours
lever l’encre
et hisser pavillon
sans complaisance.
Jackie Plaetevoet
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