laps 1

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Au fond du tiroir, ma cervelle…

Perdu dans la contemplation de la télévision,
Je me vautrais sans complexe dans l’indolence
Et dans les délices subtils de l’abjection.

Une journée de labeur pleine de répugnance
Me permettait de sortir du terne quotidien
Pour me complaire dans ma toute crasse,
Pour oublier à jamais mon existence de chien,
En niant doucement la puissance de la grâce.

Éprouvant le besoin vital de me divertir
Sans réfléchir, dans le renoncement du moi,
La télécommande dans la main, sceptre du roi,
Je décidai, tel un dieu vivant, celui du pire,
De changer, avec une machinale régularité,
Chaînes et programmes sans intérêt
Et percer secrets et tabous de l’humanité
Dans mon beau salon confortable et douillet.

La première, non ! La deuxième, bof ! Puis la troisième…
Je voyais mon espèce sans conscience se déchaîner.

Futilités et gravités s’exposaient à l’extrême
Tandis que je dévorais goulûment, sans peiner,
Noix de cajou, chips, et cacahouètes en buvant
Une mauvaise bière blonde à forte teneur en alcool
Qui rendait mon inactivité encore plus molle.
Mais, après une publicité où une créature du levant,
A la croupe chevaline et au buste gonflé d’orgueil,
Se prélassait lascivement sur le capot d’une berline
Un flash d’info tomba comme la lame d’une guillotine.

Un drame sans nom pour un monde sans merveilles,
Je ne trouve pas les mots justes pour décrire l’horreur
Qui se pâmait devant mes yeux luisants de stupeur.

Les ondes cathodiques brûlèrent ma cervelle
Se répandant ainsi en lambeaux de chair sanglante
Au fond du tiroir condamné de ma mémoire si frêle
Que je perdis à jamais la clé dans les soupentes
De mon âme qui s’envola vers le néant infini
Pour sombrer dans les profondeurs de l’oubli.

Pour moi, c’est déjà beaucoup trop tard,
Ma cervelle s’est planquée au fond du tiroir

Jean Molcat

Cantique, kantique ou quantique ?

Quand j’écris, quand je vis, quand je dors et que rêve ______ quand je vois, quand je sens, quand j’entends, mon corps résonne en multitude, mon corps résonne de nombreuses existences, je pense le monde en écho, le monde rebondit tout le temps, il rebondit comme un caillou ricoche et il se multiplie en un nombre illimité de réalités physiques, le monde n’est pas UN, il est multiple. Infinies sont les réalités invisibles transformant notre conception monolithique du monde en une nuée de fluctuations quantiques. Infinies, elles ondulent de-ci, infinies, elles oscillent de-là, elles vibrent comme des cordes dans une existence ignorée de tous car ces configurations sont superposées les une aux autres comme une infinité de fibres parallèles. Elles flottent les unes à côté des autres et sont comme des faisceaux lumineux, et sont comme ces poussières rendues visibles par la lumière tandis que dans l’ombre il en danse autant que nous ne pouvons observer. Pourtant elles sont. Ne voyez-vous pas parfois les arbres crocheter le ciel et se brancher pour que tombent nos habitudes et sondent nos esprits cette nouvelle idée du monde ? Elles sont. Les scientifiques l’ont expérimentée. Elles sont. Les physiciens ont vérifié cette théorie et l’ont nommée “physique quantique”. Et si le principe de superposition, point essentiel de la théorie quantique, est à nos yeux inconcevable, il en est un encore plus extraordinaire. Les chercheurs ont découvert qu’un phénomène ne peut pas être conçu comme existant dans un seul état et donc existe dans plusieurs états à la fois. Aussi, un animal, ou vous, ou moi, pouvons être ____ à la fois vivant et mort ____ sans violer le principe de non-contradiction.
Au-delà de la raison donc, entre les particules et l’univers, entre le vide et la matière, s’ouvre une vertigineuse conception de la réalité dont nous avons encore tout à apprendre. Un livre, Entretiens sur la multitude du monde de Th. Damour et J.C. Carrière, Ed. Odile Jacob, nous invite à cette découverte. Mais avant toute chose nous devons d’abord apprendre à renoncer, renoncer à l’illusion ____ l’illusion d’une seule réalité.

Béatrice Brérot



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